Cette demande semble sur le point de se concrétiser, et nous devons réagir de manière adéquate à ces changements imminents. En tant que Forum Jeune Chirurgie, nous sommes convaincus qu'avec un concept structuré de formation postgraduée et des processus quotidiens optimisés, le temps de travail pourrait être utilisé de manière plus efficace. Ainsi, la qualité de la formation chirurgicale et des soins aux patient.e.s pourrait être maintenue malgré une réduction du temps de travail hebdomadaire.
Au cours des 20 dernières années, le nombre de médecins assistant.e.s et chef.fe.s de clinique a augmenté d'un facteur 1,5. Le nombre de patient.e.s a également augmenté, mais de manière proportionnellement inférieure. Les progrès médicaux accompagnés de possibilités diagnostiques et thérapeutiques accrues ainsi que la complexité des patient.e.s, contribuent avec certitude à une certaine surcharge de travail. Cependant, on constate également une augmentation drastique des tâches administratives, qui occupent environ un tiers du temps de travail des médecins assistant.e.s. La documentation et des processus bureaucratiques souvent inefficaces réduisent le temps consacré à l'activité clinique auprès des patient.e.s et entraînent généralement de nombreuses heures supplémentaires. Il en résulte un sentiment de frustration parmi les jeunes chirurgien.ne.s, pourtant très engagés et désireux d'apprendre, concernant leur choix de carrière, pouvant aller jusqu’à un changement de profession.
Dans ce document de position, nous souhaitons mettre en avant deux approches qui pourraient permettre une formation chirurgicale réussie et de haute qualité : un programme structuré de formation postgraduée et la réduction des tâches administratives. Nous aimerions également rappeler ce qu'est une formation structurée. Enfin, nous aborderons quelques réflexions sur la réglementation du temps de travail « flexible ».
Tâches administratives
L'objectif principal devrait être de simplifier les processus de travail et de déléguer les tâches purement administratives. A cet égard, nous identifions plusieurs aspects à prendre en compte pour la mise en place de solutions :
L'introduction de professionnels cliniques (assistant.e.s médicaux ; PA) qui s'occupent des services de soins. Comme ces derniers ne sont pas impliqués dans les activités chirurgicales au bloc opératoire ou lors des consultations, et ne participent pas aux gardes, une continuité des soins auprès patient.e.s peut être assurée sur le long terme. Il est cependant important de noter que le travail en services de soins, avec l'observation et la gestion des développements cliniques, reste essentiel pour la formation chirurgicale. Par conséquent, nous considérons l'utilisation des PA principalement comme un soutien pour les médecins assistant.e.s plus expérimenté.e.s, qui sont de plus en plus impliqués au bloc opératoire et en consultation, et non comme un substitut aux médecins assistant.e.s en début de formation postgraduée (1ère/2ème année), qui devraient principalement prendre en charge les services de soins eux-mêmes. Nous ne considérons pas le remplacement pur et simple des médecins assistant.e.s par des PA comme une solution pertinente, car l'évaluation clinique et l'interprétation des situations requièrent une solide formation médicale.
Nous pourrions également introduire des secrétaires en services de soins qui préparent des rapports de sortie et des rapports opératoires standardisés, qui n'ont besoin d'être ajustés qu'en cas de nécessité. Ces secrétaires peuvent également accompagner les visites et effectuer la documentation, préparer les ordonnances et faire inscriptions en parallèle. Ainsi, une grande partie de la documentation peut être réalisée pendant la visite et n'a pas besoin d'être retranscrite par la suite.
Évaluation de l'utilisation de médecins spécialistes ou de médecins assistant.e.s, venant par exemple de médecine interne comme médecins (spécialisés) de service, qui prennent en charge de manière globale les patient.e.s avec leurs comorbidités, tout en ayant un aperçu de la spécialité chirurgicale et des suivis postopératoires, par exemple dans le cadre du cursus de médecine générale. Les médecins assistant.e.s chirurgicaux plus expérimenté.e.s peuvent ainsi être de plus en plus libérés des unités de soins, tandis que les moins expérimenté.e.s sont encouragé.e.s dans leur propre développement médical grâce à la collaboration.
Mise en œuvre de systèmes d'information hospitaliers efficaces, compatibles avec d'autres hôpitaux, afin que les diagnostics et listes de médicaments existants puissent être repris directement. En outre, il devrait être possible de créer des paquets de prescriptions et de lier les données de manière à éviter le « copier-coller » et le formatage fastidieux. Les développements futurs dans le domaine de l'intelligence artificielle devraient également être intégrés dans le système de santé pour améliorer l'efficacité, tout en respectant les réglementations relatives à la protection des données. Cela bénéficierait à la fois à l'efficacité du travail et à la sécurité des patient.e.s.
Programme structuré de formation postgraduée
Indépendamment de la « formation postgraduée structurée », nous voyons l'avenir de la formation spécialisée en chirurgie comme un modèle de formation structuré et graduel. Dans le système actuel, les médecins assistant.e.s engagé.e.s et avides de savoir se sentent souvent perdus et ne savent pas où ils en sont dans leur formation postgraduée ni ce qui est attendu d'eux pour progresser. La promotion de certains médecins assistant.e.s par rapport à d'autres semble parfois arbitraire, ce qui peut même démotiver les chirurgien.ne.s en formation postgraduée les plus enthousiastes. Un curriculum de formation structuré et unifié, avec une répartition des tâches et des objectifs d'apprentissage en fonction des différents niveaux de formation, apporterait plus d'objectivité à notre système, aidant ainsi les stagiaires à garder leurs objectifs en vue, et permettant également aux formateurs et formatrices d'évaluer plus précisément les compétences des médecins assistant.e.s et de les promouvoir en conséquence.
Le Core Surgical Curriculum met déjà en œuvre cette vision, avec une formation chirurgicale de base proposée au cours des deux premières années. Ce curriculum standardisé à l'échelle nationale présente l'avantage qu'un minimum d'objectifs d'apprentissage peut être attendu de tous les diplômés, et une continuité peut ainsi être assurée dans les postes suivants. Un curriculum national unifié pour toute la durée de la formation spécialisée ne serait probablement pas réalisable en raison des différentes offres de prestations. Toutefois, la création de réseaux de formation entre les hôpitaux et le développement d'un curriculum réaliste au sein de ces réseaux serait une approche pertinente pour renforcer l'attractivité des hôpitaux régionaux en tant qu'employeurs et lieux de formation
Chaque établissement de formation doit déclarer le nombre de candidat.e.s à la formation à l’ISFM. Cependant, le nombre de médecins assistant.e.s nécessaires pour maintenir le fonctionnement continu des services 24 heures sur 24 est bien plus élevé que le nombre de candidat.e.s qui peuvent être formés de manière efficace compte tenu du nombre de cas disponibles. Une mesure possible consisterait à intégrer les médecins assistant.e.s, après avoir terminé le Core Surgical Curriculum, comme candidat.e.s spécifiques à la formation dans un réseau de formation et à les promouvoir selon le curriculum déclaré. Ces candidat.e.s à la spécialisation auraient ainsi la certitude de pouvoir achever leur formation spécialisée en six ans, à condition qu'ils s'investissent et fassent leurs preuves. Les pourcentages restants, essentiels pour maintenir le fonctionnement des services et des services d'urgence, pourraient être occupés par des médecins assistant.e.s dans le Core Surgical Curriculum, éventuellement des PA, ainsi que des médecins assistant.e.s hors spécialité et également intéressés par la chirurgie, sans contrat de formation spécifique. Les médecins assistant.e.s sans contrat de formation sauraient ainsi quelles sont leurs chances de suivre une formation chirurgicale sans qu'on leur donne de faux espoirs. Si le désir d'obtenir un titre de spécialiste en chirurgie persiste, une nouvelle candidature est possible lorsqu'un poste de formation se libère au sein du même réseau de formation ou d'un autre. Grâce à la sélection et à la définition des candidat.e.s à la formation, nous espérons une formation de meilleure qualité et plus efficace en six ans de formation spécialisée en chirurgie.
Formation structurée
L’ISFM exige que tous les établissements de formation proposent quatre heures de formation structurée par semaine pour les médecins assistant.e.s. La motion de l’ASMAC n'y change rien. En y regardant de plus près, il apparaît cependant que de nombreux acteurs du système ne savent pas exactement ce qui relève de la formation structurée. L’ISFM fournit à ce sujet une brochure (https://www.siwf.ch/files/pdf18/strukt_wb_f.pdf), dont les points les plus importants sont brièvement détaillés ci-dessous :
La formation postgraduée intégrée dans le quotidien clinique peut être considérée comme une formation structurée si une personne chargée de l’enseignement est présente et si l'activité comprend une préparation, une exécution et un débriefing, se distinguant ainsi du «learning on the job». Les colloques interdisciplinaires, conférences, discussions de cas et notamment les opérations encadrées peuvent être comptabilisés comme tels, à condition qu'un débriefing ait lieu.
Dans la mesure du possible, quatre heures de formation structurée devraient être proposées chaque semaine et se dérouler pendant les heures de travail. Elles sont ainsi considérées comme des activités obligatoires pour les médecins assistants.
Afin de réduire l'effort d'organisation de la formation structurée, il peut être utile que les établissements de formation postgraduée collaborent et forment un réseau.
Nous recommandons que chaque établissement examine les formations structurées existantes par rapport aux exigences de l’ISFM et les optimise si nécessaire. Ensuite, une communication ouverte au sein de l'équipe chirurgicale devrait être mise en place pour que l'offre de formation postgraduée structurée soit évidente pour les médecins assistant.e.s concerné.e.s, ainsi que pour les médecins cadres. La réalisation d'une discussion structurée sur les activités de la pratique clinique ainsi que la documentation de la formation structurée peuvent être simplifiées par l'utilisation des « entrustable professional activities » (en abrégé EPA).
Réglementation du temps de travail
La charge de travail est, comme on le sait, variable et la charge de travail quotidienne n'est donc pas planifiable avec certitude. Des journées rigides avec des heures de rapport fixes peuvent entraver la fluidité du travail et, par exemple, empêcher la compensation des heures supplémentaires en cas de faible charge de travail. Une planification basée sur le maximum légal de 50 heures de travail par semaine conduit régulièrement à un dépassement de cette limite (= heures supplémentaires), ce qui entraîne non seulement une violation de la loi sur le travail (maximum de 140 heures supplémentaires par an), mais aussi une surcharge pour les médecins assistant.e.s.
Avec l'introduction d'une durée moyenne du travail de 42 + 4 heures par semaine, une marge de 4 heures est créée par rapport au maximum légal de 50 heures par semaine. Les médecins assistant.e.s ne travaillent donc pas immédiatement à la « limite » légale, ce qui permet d'éviter que les heures supplémentaires se transforment directement en temps de dépassement. Cela aiderait à amortir les pics de charge pour les médecins assistant.e.s et à réduire le risque de violation de la loi sur le temps de travail. Enfin, la réduction de la durée hebdomadaire de travail de 50 à 46 heures, tout en maintenant la durée maximale hebdomadaire de 50 heures, offre à la fois plus de flexibilité à l'employeur et à l'employé dans la gestion de la charge de travail fluctuante.
Conclusion
Une semaine de 42+4 heures entraînerait de grands changements dans la routine de travail et de formation, et nous, les chirurgien.ne.s, devons être prêts à y faire face. Sans ajustement des processus de travail, il faudrait embaucher plus de personnel, ce qui ne ferait qu'aggraver la situation financière déjà critique des hôpitaux et nuirait à la qualité de la formation. Une réduction du temps de travail hebdomadaire est soutenue/demandée par un grand nombre de jeunes chirurgien.ne.s en formation postgraduée. Cette demande est principalement due à la frustration engendrée par le système actuel, qui implique des tâches administratives excessives et une absence de formation structurée. En tant que Forum Jeune Chirurgie, nous souhaitons, à travers ce document de position, proposer des solutions qui pourraient être mises en œuvre sans impact financier au niveau régional. Au cours de l’ensemble de nos réflexions, la qualité de la formation postgraduée doit primer sur la quantité d'heures de travail. En optimisant le contenu du travail avec un accent mis sur les activités médicales, il serait même possible de proposer une semaine de 42 + 8 heures, au profit d'une formation postgraduée de haute qualité.
Traduit par
Hélène Gros