La méthodologie utilisée pour cette mise à jour est identique à celle de 2018, avec un panel international d'experts, renforcé par des représentants des patients, qui a formulé des recommandations basées sur des preuves pour dix des vingt-huit chapitres de la publication originale. Chaque chapitre a été traité par des équipes de quatre à six auteurs, comprenant à la fois des auteurs de la première version de 2018 et de «jeunes» chercheurs en chirurgie. Au total, trente co-auteurs ont participé à cette mise à jour, soit dix de moins que pour la première publication.
Toutes les recommandations ont été approuvées anonymement par un outil en ligne par l'ensemble des auteurs. Il a été décidé de ne pas modifier la méthodologie par rapport à la première version, principalement pour des raisons de cohérence méthodologique et en raison des difficultés engendrées par la pandémie de Covid-19.
Les lignes directrices ont été élaborées en respectant les check-lists du Scottish Intercollegiate Guideline Network (SIGN) et en utilisant les recommandations GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development, and Evaluations) ainsi que l'instrument AGREE (Appraisal of Guidelines for Research and Evaluation) 3–5. Dix des trente chapitres originaux ont été révisés (tableau 1). Pour ce faire, des études de «niveau de preuve 1» et des études de registre de grande envergure sur la «hernie inguinale» ont été recherchées dans des bases de données pertinentes telles que PubMed, PubMed Central, MEDLINE, The Cochrane central registry of controlled trials, Google Scholar et Embase. Les résultats ont été validés par un consensus Delphi modifié, avec un accord défini à plus de 70%6. Après deux tours de Delphi, les éléments ont été discutés publiquement lors du congrès annuel de la European Hernia Society en 2022 à Manchester et ont fait l'objet d'une nouvelle validation. Finalement, un consensus a été atteint pour l'ensemble des éléments, y compris 39 déclarations et 32 recommandations.
Les auteurs résument ici les recommandations les plus importantes des lignes directrices à travers trois scénarios cliniques fictifs mais réalistes :
Scénario 1 :
Un homme de 58 ans, en bonne santé habituelle, présente depuis plusieurs semaines une tuméfaction de l'aine droite. Une hernie inguinale est diagnostiquée en consultation, avec un examen normal du côté opposé et de l'ombilic. Une indication pour une prise en charge chirurgicale élective de la hernie inguinale par voie laparoscopique en technique TAPP est posée. Pendant l'opération, une petite hernie inguinale latérale asymptomatique est découverte du côté gauche. Le chirurgien décide de traiter le côté droit symptomatique avec un filet en polypropylène non résorbable et lourd. Le patient récupère sans complications et est autorisé à sortir selon les directives de l'OFSP. Lors de la consultation de suivi six semaines plus tard, il est asymptomatique.
Discussion :
Le chapitre 6A/B révisé recommande de choisir systématiquement une technique utilisant un filet. La technique Shouldice peut être une alternative en cas de préférence du patient ou pour des raisons justifiant l'absence de filet (par exemple, une chirurgie de la prostate avec lymphadénectomie prévue). Cependant, cette technique présente une courbe d'apprentissage longue et il n'existe pas de données à long terme (>1 an) prouvant son efficacité par rapport aux techniques avec filet.
La technique laparoscopique-endoscopique doit être privilégiée en première intention, car les études récentes incluses dans les lignes directrices montrent clairement qu'elle permet une récupération plus rapide, une moindre fréquence de douleurs chroniques et des taux de récidive comparables. Le traitement peropératoire d'une hernie inguinale contralatérale occulte reste controversé. Une hernie occulte est définie comme une hernie non diagnosticable cliniquement et ne causant aucune douleur. Les hernies oligosymptomatiques ou cliniquement évidentes doivent être traitées chirurgicalement. Les hernies occultes, quant à elles, nécessiteront une prise en charge future dans une minorité des cas (environ 30%) (chapitre 8).
La nomenclature des filet a été uniformisée : ceux pesant moins de 50 g/m2 sont qualifiées de légers, et ceux pesant plus de 70 g/m2 de lourds. Dans la chirurgie ouverte des hernies inguinales, des filet légers doivent être utilisées, tandis que des filets lourds sont préférables pour les techniques laparoscopiques. En principe, il convient d'éviter les filets partiellement résorbables, surtout pour les techniques ouvertes, car ils augmentent le taux de récidive (chapitre 10).
Une prophylaxie antibiotique n'est pas nécessaire pour les techniques laparoscopiques. Pour les interventions ouvertes, elle ne devrait être envisagée que dans des situations à haut risque, liées soit au patient (diabète mal contrôlé, BMI >35 kg/m2, tabagisme, score ASA >3, opérations de récidive, sexe féminin) soit au contexte (institution/environnement).
Scénario 2 :
Une femme de 74 ans se présente aux urgences pour des douleurs aiguës dans l'aine gauche apparues depuis plusieurs heures. Aucun signe évident de hernie inguinale n'est palpable. Elle est en surpoids (BMI 30,3 kg/m2) et souffre d'une maladie coronarienne sous prophylaxie secondaire (aspirine 100 mg/jour et antagoniste des récepteurs AT1) ainsi que d'un diabète traité médicalement. L'équipe des urgences décide de réaliser un scanner après des résultats échographiques non concluants. Le scanner révèle une hernie irréductible aiguë avec anse intestinale grêle, possiblement étranglée. Une laparoscopie diagnostique est décidée. Pendant l'opération, une hernie fémorale contenant une anse intestinale grêle incarcérée est identifiée, repositionnée et préservée. Une réparation TAPP avec un filet en polypropylène lourd et macroporeux est effectuée.
Discussion :
Ce cas illustre les recommandations du chapitre 21 sur la « hernie inguinale en urgence ».
Le terme « hernie inguinale incarcérée » doit être abandonné, car il ne décrit pas adéquatement le problème de la hernie inguinale irréductible aiguë avec ou sans étranglement du contenu herniaire. La distinction doit être faite entre la hernie irréductible aiguë, nécessitant une intervention urgente, et la hernie irréductible chronique, qui ne constitue pas en soi une urgence. Les patients présentant une hernie inguinale aiguë doivent bénéficier d'une laparoscopie diagnostique si les ressources et l'expertise sont disponibles. Une hernie inguinale aiguë irréductible ou étranglée doit être réparée avec un filet, sauf si la situation peropératoire l'empêche (par exemple, en cas de perforation colique). La perforation ou la résection intestinale ne constitue pas une contre-indication à la réparation avec filet.
Bien que cela ne soit pas mentionné dans ce scénario, les patients âgés et fragiles ne doivent pas être opérés sous anesthésie spinale, mais plutôt sous anesthésie locale (avec surveillance anesthésique et analgésie-sédation) ou anesthésie générale (chapitre 13).
Scénario 3 :
Un homme de 29 ans sans antécédents médicaux est référé à une consultation de chirurgie pour des douleurs à l'aine droite et aux testicules. Il y a six mois, une hernie inguinale droite a été opérée par TEP élective. Selon le patient, l'opération s'est déroulée sans complications, mais des douleurs sont apparues quelques semaines plus tard. Les tentatives de traitement avec divers analgésiques (AINS, paracétamol) n'ont apporté qu'une amélioration légère et passagère. Récemment, les douleurs se sont intensifiées et les analgésiques ont montré peu d'efficacité. Le patient décrit la nature de la douleur comme fulgurante et électrisante, parfois également sourde. Son médecin généraliste l'a mis en arrêt de travail depuis deux semaines. L'opération a été réalisée dans un hôpital externe et aucun rapport opératoire n'est disponible. Aucune mesure diagnostique n'a été effectuée jusqu'à présent.
Discussion :
Ce scénario se réfère au chapitre 19 qui traite de la gestion des douleurs chroniques.
Les douleurs chroniques post-opératoires (CPIP) restent une complication significative après les opérations de hernie inguinale. En Suisse, où au moins 16 000 opérations de hernie inguinale sont effectuées chaque année, elles représentent une charge non négligeable pour le système de santé avec une fréquence de 3 à 5%.
Le chapitre aborde la problématique en trois questions clés : Quelles sont les modalités diagnostiques pour le CPIP ? Quelles options chirurgicales existent ? Y a-t-il des preuves pour des traitements non chirurgicaux ?
Il convient de noter que les preuves disponibles sur ce sujet restent de faible qualité. Ainsi, pour la mise à jour de ce chapitre, des études de cohorte ont également été prises en compte.
En ce qui concerne l'évaluation et le diagnostic, les auteurs des lignes directrices soulignent l'importance d'une anamnèse détaillée. La connaissance précise de l'opération réalisée ainsi que des particularités éventuelles (p.ex. complications, néurectomies pragmatiques déjà effectuées lors de procédures ouvertes) sur la base de la consultation des rapports opératoires antérieurs est un élément central. De plus, les facteurs psychosociaux des patients doivent également être pris en considération.
L'examen clinique constitue la base du diagnostic. Une cartographie cutanée peut être utile pour identifier les zones touchées et comparer également la région inguinale du côté opposé. La distinction entre douleur nociceptive et neuropathique est devenue moins prioritaire, car les complexes symptomatiques sont souvent chevauchants.
Les infiltrations diagnostiques, qu'il s'agisse d'infiltrations au niveau des points de déclenchement ou de blocs nerveux périphériques, peuvent être utilisées à la fois comme méthode diagnostique et dans le cadre d'un traitement non chirurgical en tant que méthode sûre et minimalement invasive. Il n'existe cependant aucune preuve sur la meilleure méthode de bloc nerveux périphérique (guidé par échographie vs. guidé par neurostimulation ou par repères anatomiques).
L'échographie inguinale dynamique est considérée comme une méthode d'imagerie de base, abordable et facilement disponible pour la région inguinale, bien qu'aucune nouvelle preuve n'ait été publiée depuis les dernières recommandations.
L'imagerie par résonance magnétique est mentionnée comme un examen utile après une réparation herniaire laparoscopique prépéritonéale, principalement pour exclure d'autres pathologies.
Une thérapie chirurgicale des douleurs chroniques doit toujours être soigneusement indiquée après une discussion multidisciplinaire (chirurgie, neurologie, physiothérapie, psychiatrie/psychologie). Des techniques chirurgicales ouvertes et laparoscopiques-rétropéritonéales sont disponibles, soit sous forme de néurectomie sélective, soit sous forme de triple néurectomie (Nn. Ilioinguinalis, genitofemoralis, iliohypogastricus). Le choix de la technique opératoire dépend de la nature de l'opération initiale. Après des interventions ouvertes, une néurectomie laparoscopique rétropéritonéale est envisageable. La néurectomie sélective vise à prévenir les effets indésirables de la dénervation (engourdissement dans des zones non douloureuses auparavant, laxité de la paroi abdominale), mais elle est critiquée en raison de la grande variabilité de l'anatomie des nerfs, avec des territoires d'innervation parfois chevauchants. Les auteurs des lignes directrices constatent que la néurectomie entraîne une amélioration, voire une disparition complète de la douleur, chez une majorité de patients, à condition que le praticien/la praticienne ait un haut niveau d'expérience et d'expertise dans ce domaine. Cependant, il faut s'attendre à un taux d'échec thérapeutique de 30 %, pouvant même entraîner une aggravation des symptômes. Les patients doivent en être informés de manière impérative.
La dénervation microchirurgicale du canal déférent est une méthode disponible pour traiter l'orchialgie chronique, mais elle ne doit être réalisée que par des experts et dans un cadre d'études cliniques.
Parmi les traitements non chirurgicaux, l'infiltration répétée avec des anesthésiques locaux, soit en tant qu'infiltration de points de déclenchement, soit en tant que bloc nerveux périphérique, est particulièrement recommandée, associée à un traitement pharmacologique de la douleur pendant au moins 3 mois. L'application topique de lidocaïne ou de capsaïcine, en revanche, n'a aucun bénéfice prouvé dans le traitement du CPIP. Compte tenu de la complexité du problème, le traitement du CPIP dans des centres spécialisés est fortement recommandé.
Reviewed by
Claudia Stieger, Editorial Board
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